C'est la fin de l'été
Elle remonte le chemin
Le ciel bas et lourd
Présage de la pluie
Il fait sombre
En plein midi.
Elle hâte le pas.
Ça doit être l'émotion
Ça fait flou par endroit
On dirait des lambeaux de brume
Qui s'accrochent aux fenêtres,
À la cheminée,
Au pied de la porte...
Elle entre.
Gardien silencieux
L'ours s'est figé la patte en l'air face à la porte.
Ça sent les pâtes,
Les échalotes au beurre,
La colle a papier peint.
Dans l'évier, un verre avec
Un fond de bière séché.
Du bout des doigts
Elle suit le mur jusqu'à la porte de la chambre
En cherche la poignée.
Un flot de brouillard
Déferle sur elle,
Il s'écoule du tableau en un flot sombre,
Il déborde la cheminée,
Les fenêtres,
La porte.
Il dévore le paysage,
Les arbres,
Le chemin...
C'est un froid
Qui s'infiltre jusqu'à l'os.
Dehors, tout a disparu
Derrière un mur opaque.
Elle referme la porte
Mais c'est déjà trop tard.
Elle a vu ce qu'elle ne voulait pas voir.
Le brouillard a tout absorbé,
Le lit, le secrétaire,
L'armoire, le valet de lit,
La table de nuit,
Il reste la boîte à couture
Posée sur la cheminée
À côté de la baba et du bilboquet avec son fil raccourci
Pour qu'elle puisse en faire
Sans risquer de s'assommer.
La maison semble abandonnée
Mais elle sent encore la vie.
Elle entre prendre les trois objets
Et referme la porte sans se retourner.
C'est comme un déménagement qui aurait perdu l'essentiel,
Elle.
Elle est nulle part et partout à la fois,
Sur le verre où se sont posées ses lèvres,
Dans la poêle où elle a fait revenir les rognons,
Sur le banc où elle s'est assise,
Dans cette boîte à couture
Dont elle a longuement manipulé chaque objet...
L'horloge s'est arrêtée.
Elle est partie avec la clef.
C'est tellement vide
C'est tellement froid
Ya plus de chemin...
Elle se réfugie dans l'atelier,
Avec les pinceaux,
Les pots de pigments
Alignés sous les fenêtres,
La boîte de clous tapissiers dorés.
Elle monte une toile sur un châssis,
Elle peint le vent,
Elle peint la tempête,
Elle peint quelque chose
Capable de dégager
Cette saloperie de brouillard !
... mais elle se demande
Si ça ne serait pas pire
De voir briller le soleil
Sur tout ce vide.