Jour 3 : Élodine et le Dragon (1)

Il y a de cela très longtemps, une vilaine sorcière qui avait toujours rêvé d'avoir une petite fille vola une enfant et alla l'enfermer dans une haute tour au milieu de la forêt pour que personne ne puisse entendre ses pleurs. Pour parfaire le tout, et dans un esprit de tradition, elle avait placé un dragon comme gardien. 

La princesse s'appelait Élodine, et le dragon Jean-Claude. 
De chaque côté de la tour partait un chemin menant chacun à une ville. Avec le temps, la rumeur d'une belle jeune fille enfermée dans une tour gardée par un dragon s'était propagée, et chaque samedi des jeunes hommes en armes accouraient de tous côtés pour se mesurer au dragon. Élodine détestait le samedi et ses cliquetis d'épées, de lances, de boucliers, d'armures, cottes de mailles... suivis d'interminables râles d'agonie. Elle avait parfois le courage de descendre les achever. Le plus souvent, elle laissait Jean-Claude s'en charger. S'ils lui étaient sympathiques il les égorgeait, sinon, il les brûlait vifs. Élodine n'aimait pas trop. Elle trouvait que l'odeur de viande grillée était trop dure à faire partir. 

Ce matin, Élodine traîne au lit. Elle est fatiguée. Jean-Claude est occupé à enterrer les morts de samedi un peu plus loin. Deux voix se distinguent en bas de la tour. «Après vous très cher !» «Non, je n'en ferai rien. Vous êtes arrivé avant moi. Après vous !» «Jouons-le aux échecs.» «En voilà une riche idée ! J'ai été champion au lycée.» 
On est dimanche. Ce n'est pas un jour pour recevoir des visites. Élodine se penche pour voir. Deux hommes son assis par terre de part et d'autre d'un échiquier. Ils jouent. Lentement. Ils savourent la partie. 
Puis ils jouent la revanche. Puis la belle... 

Ils ne trouvent pas ça absolument équitable. Ils proposent de la jouer aussi à la course, en se ménageant de grands temps de récupération. L'un l'emporte aux échecs, l'autre à la vitesse. Elle ne peut tout de même pas épouser deux princes... 

Pendant qu'ils sont occupés à se départager, deux autres princes arrivent et grimpent à la corde chacun de leur côté. Ils arrivent en même temps dans la chambre. Ils ont la curieuse impression de voir leur double... s'approchent. «Je savais que mon destin m'attendait en haut de cette tour ! Une vieille femme l'avait lu dans les lignes de ma main. Épousez-moi !» 
Subjugués, les deux princes redescendent. Ils croisent les deux autres en bas et leur demandent d'être leurs témoins. Les deux autres acceptent, et les voilà partis tous les quatre. 

Et Élodine ? Ah oui, tiens, Élodine... et bien, ça sera pour la prochaine fois... qui sait ?